Le prix de l’entrée en politique : Les barrières administratives vues par les élu.e.s municipaux.ales

Audrey Brennan, INRS-UCS

2025-06-13

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1. Introduction

Ce billet de blogue fait suite à celui de mars (Perception du processus de mise en candidature). En mars, j'ai examiné la façon dont les répondant.e.s du Baromètre percevaient le processus administratif pour devenir candidat.e aux élections municipales. J'ai également cherché à savoir s'il y avait des différences selon l'âge des répondant.e.s et le nombres de mandats qu'ils et elles avaient complétés dans leur poste actuel. Les répondant.e.s trouvent généralement le processus administratif facile. Cependant, environ trente pour cent des répondant.e.s du Baromètre déclarent trouver le processus de mise en candidature difficile. Ce mois-ci, je me concentre sur les quatre provinces pour lesquelles le Baromètre compte le plus de répondant.e.s : la Colombie-Britannique, l'Alberta, l'Ontario et le Québec. J'examine les règles administratives qui influencent la difficulté perçue des répondant.e.s, ce qui peut nous éclairer sur les défis potentiels en vue des prochaines élections municipales québécoises (Lemieux 2025).

Je m’appuie sur l'argument que j'ai avancé en mars sur l'importance de tenir compte du fait que les règles régissant l'accès aux bulletins de vote peuvent avoir d'importantes conséquences démocratiques. (Jacobs et Leyenaar, 2014). Ces règles administratives déterminent quels noms apparaissent sur le bulletin de vote et peuvent avantager les candidats sortants, dissuader les candidats des petits partis ou réduire la contestation (nombre de candidats sur le bulletin de vote) (Anagol et Fujiwara, 2016; Stratmann, 2005; Perez-Vincent, 2023).

2. Les données

Pour mieux comprendre qui trouve le processus de mise en candidature difficile et pourquoi, j'ai analysé les données des quatre provinces comptant le plus de répondant.e.s : la Colombie-Britannique (C.-B.), l'Alberta (AB), l'Ontario (ON) et le Québec (QC). J'ai recodé la question suivante « Sur une échelle de 0 à 10, où 0 signifie très facile et 10 très difficile, comment évaluez-vous la procédure administrative que vous avez suivie pour vous porter candidat·e à votre dernière élection municipale ?». Les répondant.e.s ayant un score de 3 ou moins ont été classés comme ayant un « un score de difficulté perçue faible », tandis que ceux ayant un score de 4 ou plus ont été classés ayant un « score de difficulté perçue élevée ». J’ai recodé la variable ainsi puisqu’il semble y avoir deux distributions distinctes (voir Figure 1), ce qui justifie de regrouper les scores de 0 à 3 comme une difficulté perçue faible, et les scores de 4 et plus comme une difficulté perçue élevée.

Selon ce recodage du niveau de difficulté en faible (0-3) ou élevé (4-10), ces deux groupes sont composés à 73% de conseiller.ère.s et à 22% de maire.sse.s ou de préfet.te.s (Reeve). Les répondant.e.s du groupe de difficulté perçue faible ont en moyenne servi deux mandats, tandis que le groupe de difficulté perçue élevée a en moyenne servi un mandat. Environ la moitié des répondant.e.s des deux groupes de difficulté provenaient de municipalités de moins de 25 000 habitants, et très peu des villes de plus de 250 000 habitants. Ces catégories sont recensées dans le tableau 1.

Tableau 1 Répartition des réponses BC, AB, ON, QC


3. Quelles règles administratives sont perçues comme les plus difficiles?

La figure 1 montre le pourcentage du sous-échantillon mobilisé dans ce blogue et le niveau de perception de la difficulté de ces répondant.e.s. Pour rappel, je considère qu'un score de 0 à 3 comme « difficulté perçue faible », ce qui représente 69,5% des réponses (barres noires). À l'inverse, je considère qu'un score de 4 ou plus (barres turquoises) comme « difficulté perçue élevée ». Les répondant.e.s de la Colombie-Britannique, de l'Alberta et de l'Ontario trouvent le processus facile, tandis que les répondant.e.s du Québec ne semblent pas être d'accord.

Figure 1 Difficulté perçue selon la province de résidence des répondant.e.s

 

4. Quels règles influencent la perception de la difficulté?

Comme je m'intéresse à ce que les répondant.e.s trouvent difficile, je me concentre sur ce qui contribue à la difficulté perçue. Plus précisément, je m’attarde aux barres turquoises dans la figure 2 qui illustre la proportion des répondant.e.s ayant choisi des barrières administratives en répondant à la question suivante. : « Parmi les éléments suivants, lesquels ont influencé votre réponse à la question ci-dessus ? Veuillez sélectionner tous les éléments qui s’appliquent.» En Colombie-Britannique, parmi les personnes ayant déclaré une difficulté élevée, l'accès à l'information était le plus important (59%), et l’obtention des signatures a été choisi par 30,8% des répondant.e.s. Toutefois, les frais de mise en candidature sont moins souvent déclarés (25,6%) comme influençant la difficulté perçue, suivi du besoin d’obtenir l'appui d’un parti (5,1%). La période d'attente et ou de choisir « autre » (réponse ouverte) présentaient des proportions similaires selon les niveaux de difficulté.

 

Figure 2 Pourcentage de répondant.e.s qui déclarent un ou des obstacles contribuant à leur perception de la difficulté

Les répondant.e.s de l’Alberta, indiquent que l'accès à l'information (55,2%), ainsi que les frais de mise en candidature (24,1%) et les signatures (44,8%), contribuent de manière importante à leur perception de la difficulté du processus de mise en candidature. Les délais d’attentes et « autre » ont été choisi par 17% des répondant.e.s.

Les répondant.e.s de l’Ontario quant à eux, déclarent que l'accès à l'information (50%) et les signatures (44%) contribuent à leur perception du processus de mise en candidature. Contrairement à d'autres provinces, les répondant.e.s du Québec déclarent l'appui des partis (13%) contribue à leur perception du processus de mise en candidature. De plus, les Québécois.e.s étaient plus susceptibles de choisir les frais de mise en candidature (27%), l'accès à l'information (45,1%) et les signatures (29,2%), comme facteurs déterminants.

 

4. Conclusion

En bref, 69,5% des répondant.e.s du Baromètre 2025 déclarent qu'il est relativement facile de se porter candidat aux élections municipales (score de 3 ou moins). Cependant, les répondant.e.s du Québec ont trouvé le processus plus difficile que ceux de la Colombie-Britannique, de l'Alberta et de l'Ontario. Compte tenu des prochaines élections municipales du Québec, il sera intéressant de demander aux répondant.e.s au sondage annuel Baromètre de l'an prochain comment ils ont trouvé le processus administratif pour devenir candidat aux élections municipales.

 

5. Références

Anagol, S. et Fujiwara, T. (2016). The runner-up effect. Journal of Political Economy, 124(4):927–991.
Jacobs, K. et Leyenaar, M. (2014). A conceptual framework for major, minor, and technical electoral reform. In Understanding Electoral Reform, pages 59–77. Routledge.
Lemieux, Olivier. « Candidats parachutés aux élections municipales : une pratique controversée». ICI Radio-Canada, 5 juin 2025. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2168763/candidats-parachutes-municipal.
Perez-Vincent, S. M. (2023). A few signatures matter: Barriers to entry in Italian local politics. European Journal of Political Economy, 78:102333.
Stratmann, T. (2005). Ballot access restrictions and candidate entry in elections. European Journal of Political Economy, 21(1):59–71.